L’ambition du cycle 2019 est d’aborder les territoires à travers les flux monétaires et financiers qui les irriguent. Une géographie de l’argent, prise dans son acception la plus large, permet d’articuler les territoires de la finance (où se crée l’argent et comment circule-t-il ?), ceux de l’investissement et de la production (où se crée la richesse ?), ceux de la consommation (où dépense-t-on ?), ceux de l’épargne (où et comment accumule-t-on ?).
Ce faisant, on abordera des enjeux territoriaux majeurs, comme l’évolution des systèmes productifs locaux et leur financement, les mutations de la production urbaine et immobilière, les modalités de la transition énergétique et écologique, les inégalités et les solidarités entre territoires. Car si l’argent circule entre les territoires, il alimente aussi la polarisation spatiale et sociale.
On pense d’abord, bien sûr, à l’extrême concentration de l’industrie financière « globalisée » dans quelques grands centres et aux effets massifs d’accumulation des richesses ainsi produits. Depuis ces centres s’organise l’hyper-mobilité du capital entre les différents marchés d’actifs et entre les territoires. Les normes des marchés financiers – liquidité, rentabilité, risque – tendent alors à s’appliquer à toutes les formes de capital, productif, immobilier, foncier. La cohérence des portefeuilles prévaut sur la cohérence territoriale. La financiarisation alimente des bulles sur certains territoires tandis qu’elle en laisse d’autres totalement de côté.
Mais les intermédiaires financiers ne sont pas uniquement globaux : les systèmes bancaires et de financement nationaux restent assez fortement différenciés. Surtout, ils sont loin d’être les seuls acteurs à orienter la localisation de la richesse.
Les entreprises, tout en étant soumises pour les plus grandes aux logiques du capitalisme actionnarial, déterminent leur choix d’implantation en fonction de critères le plus souvent extra- financiers. L’État, tout en étant soucieux de préserver sa base fiscale et de financer sa dette sur les marchés internationaux, organise un énorme dispositif de réallocation de l’argent à l’échelle nationale, qui rééquilibre partiellement les forces d’agglomération de la globalisation. Les individus, par leur consommation, leurs déplacements, leurs solidarités familiales, jouent également un rôle redistributif majeur.
Alors que l’on observe depuis quelques années un relatif repli de la globalisation financière – manifestation parmi d’autres d’une mutation, sinon d’un reflux, de la mondialisation – quelles sont les perspectives offertes par une « relocalisation » de la finance, misant sur les « circuits courts » de l’argent ? Comment canaliser l’épargne vers des projets et des investissements dont la rentabilité est considérée comme trop lointaine ou incertaine par les acteurs financiers traditionnels ? En un mot, comment financer un développement territorial plus inclusif et plus durable ?