L’idée que le sol est une ressource rare n’est guère ancrée en France. Dans notre pays, nettement moins dense que la plupart de ses voisins, l’aménagement a été particulièrement consommateur d’espace. Les multiples crises que nous traversons changent la donne, avec la montée en puissance de trois grands enjeux :
- Un enjeu écologique : la couche superficielle de la terre située entre la roche-mère et l’atmosphère joue un rôle clé dans la régulation du climat et la préservation de la biodiversité notamment. Les sols ne sont pas seulement une source de valeur économique, par les activités qui s’y déploient, mais ont aussi une valeur écologique fondamentale. Il importe donc de mettre un terme à tout ce qui dégrade la valeur écologique des sols, et en particulier à l’artificialisation. La sobriété foncière devient le maitre mot des politiques d’aménagement, et la loi Climat et résilience de 2021 fixe la perspective de zéro artificialisation nette (ZAN) à l’horizon 2050.
- Un enjeu de souveraineté : la vulnérabilité économique et énergétique révélée par les crises sanitaire et géopolitique des trois dernières années a mis à l’agenda le besoin de reconquérir une certaine autonomie dans des secteurs jugés stratégiques. Cela suppose de rapatrier sur le territoire national certaines activités industrielles, de production agricole et de production énergétique et va accentuer la concurrence pour l’usage des sols.
- Un enjeu socio-spatial : les terres et les bâtiments qu’elles portent constituent de loin la part la plus importante de la richesse nationale. L’envolée des prix du foncier au cœur des grandes métropoles, dans les quartiers d’affaires ou résidentiels les plus prisés, a attisé la « lutte des places » et produit des effets d’éviction puissants au niveau local. Au niveau macroéconomique, les différentiels de valeurs foncières ont fortement contribué au creusement des inégalités de patrimoine.
La maîtrise des sols est donc au cœur de trois problématiques majeures, dont la mise en cohérence constitue une redoutable équation.
Comment produire du foncier abordable pour l’habitat et l’activité économique sans artificialiser davantage ni faire exploser le coût des opérations ? Comment promouvoir une nouvelle culture de l’aménagement plus économe d’espace ?
Comment réguler la concurrence entre les différents usages des sols et quelles sont les voies d’une conciliation ? Comment arbitrer les tensions qui apparaissent déjà entre territoires urbains, péri-urbains et ruraux ?
Comment articuler la planification de l’usage des sols et la « planification écologique » de la transition vers une société bas carbone ?
Telles sont quelques-unes des questions que ce cycle propose d’explorer en articulant différentes échelles territoriales.